Contre "un" droit des femmes

Publié le par N.L. Taram

Contre "un" droit des femmes

Dans de nombreux pays, il existe un Ministère (des Droits) des Femmes, voire de la "Condition féminine". Dans ces pays comme dans d'autres où une tel Ministère est absent, il existe des lois particulières ayant institué un corpus de droits particuliers en faveur des ou concernant les femmes.

L'intention est toujours la même : "instaurer une discrimination positive en faveur des femmes au motif qu'elles sont les victimes de diverses discriminations les privant du plein usage de leurs droits civiques, politiques, économiques… et, de ce fait, de ces droits universels et inaliénables que sont, notamment, la liberté et l'égalité".Plusieurs remarques s'imposent :

  • une inégalité ne résulte pas que d'une simple carence ou insuffisance de droits ; elle résulte tout autant de droits… différents (Dans tous les pays pratiquant la discrimination pour quelque motif que ce soit les individus bénéficient tous de droits mais de droits différents en fonction de leur classe, de leur "race", de leur caste, de leur statut…)
  • un surplus de droit institue tout autant une inégalité entre ceux qui en bénéficient et… les autres ;
  • une discrimination, quand bien même elle se voudrait "positive", est… discriminatoire et rompt avec le principe universel d'une égalité universelle.

Ainsi, dans ces pays :

  • ou bien il y a des lois universelles à raison de leur champ et de leur objet qui ne sont pas appliquées en faveur des femmes ou qui ne le sont pas assez ou qui le sont mal et, dans ce cas, nul n'est besoin de recourir à une loi spécifique pour les femmes puisqu'il faut seulement (faire) appliquer le droit, mais tout le droit, à tous les citoyens et donc, aussi, aux femmes ;
  • ou bien il n'existe pas de telles lois et, alors, il importe de les prendre à raison d'un champ et d'un objet et non d'une différenciation sexuée de la population ;
  • ou bien les lois existantes sont mal appliquées ou inapplicables à telle ou telle catégorie de la population (et donc des femmes) parce qu'elles sont, en soi insuffisantes, pas assez universelles, obsolètes… et la solution consiste alors à les modifier en les complétant, les étendant, les actualisant…
  • ou bien, enfin, certaines lois, parce qu'elles n'ont pas évolué avec la Société - ou que l'on a "oublié" de les faire évoluer - sont devenues contraires aux intérêts et aux "droits naturels" entre-temps reconnus à certaines catégories de la population (et, en particulier, aux femmes) et, dans ce cas, il y a lieu de… les abroger.

L'intention d'une "discrimination positive comme correction d'une injustice ou d'une justice insuffisante ou défaillante", outre qu'elle est contraire, du strict point de vue du Droit, aux droits universels des humains en ce sens qu'ils les discriminent sexuellement, se fonde sur un présupposé erroné.

En effet, l'inégalité instituée en défaveur des femmes et, a contrario, en faveur des hommes ne résulte pas tant du Droit que du rapport de force présidant les rapports des hommes aux femmes - et inversement - et qui, à l'évidence, est tout à l'avantage des hommes ; or, ce rapport de force est de nature économique et culturelle avant d'être - ou même sans avoir besoin d'être - juridique.De même qu'il ne saurait y avoir de pleine et entière liberté pour tous les humains sans une pleine et entière égalité entre tous les humains, il ne peut y avoir de véritable égalité juridique entre les femmes et les hommes tant que les hommes exerceront un pouvoir (économique et culturel) de domination sur les femmes.

C'est pourquoi, de mon point de vue, l'institution d'administration et de droits spécifiques aux femmes, parce qu'elle ne remet pas fondamentalement en cause et, a fortiori, ne combat pas l'origine de l'injustice faite aux femmes, ne sert pas véritablement la "cause des femmes". Je dirai même volontiers qu'elle la dessert puisqu'elle l'entraîne sur le champ de l'accessoire (le Droit) pour mieux l'extraire/la distraire du champ essentiel (l'économique et le culturel).

J'ajoute que, d'un point de vue philosophique et éthique, les hommes ne pourront être pleinement humains - et donc…. hommes en tant qu'individus - tant que des hommes commettent des injustices contre des femmes, voire même qu'un seul homme commette une seule injustice contre une seule femme et qu'il ne saurait donc y avoir, en définitive, une "cause des femmes" qui ne soit pas, en même temps, par essence, celle de… tous les humains.

Certes, par rapport à certains excès, un droit particulier peut préserver des individus particuliers d'autres individus tout aussi particuliers et il serait sans doute dangereux de priver les premiers de cette "protection". En la matière, il faut donc savoir faire preuve de prudence et ne pas retirer précipitamment la "barrière de sécurité".Mais, il n'en demeure pas moins que, dans le cadre d'une lutte globale pour la promotion, le développement et la défense des droits universels de tous les humains, il importe de poser comme objectif l'abolition de droits qui seraient spécifiques aux femmes, sauf à admettre - pour des motifs religieux par exemple - que les femmes ne sont pas pleinement des êtres humains ou qu'elles sont des êtres humains particuliers et que, dans les deux cas, elles nécessitent un "traitement" particulier qui ressortirait à la "protection" (y compris contre elles-mêmes et avec tout ce que cela implique comme interdictions, recommandations, obligations, limitations, surveillance, contrôle…), l'"indulgence", la "tolérance"… accordées par la Société et, finalement, par… les hommes et les hommes seuls !

Publié dans Société

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article